Wasmannia auropunctata (Roger), PFF - Petite Fourmi de Feu - Biologie |
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Wasmannia auropunctata (Roger), PFF - Petite Fourmi de Feu - Biologie |
Sunday 06 April 2008 à 10:36
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Major Fatal Groupe: Membres Messages: 1 296 Inscrit: 20/03/2008 Lieu : Mahina - Tahiti Membre No.: 1 984 |
Wasmannia auropunctata (Roger) Présentation : La Wasmannia auropunctata, ou Petite Fourmi de Feu (par analogie avec la Grande Fourmi de Feu) ou PFF, possède une biologie aussi remarquable qu'intriguante. Originaire d'Amérique centrale où elle est rare dans son milieu d'origine, par son extraordinaire pouvoir d'adaptation elle est devenue en quelques décennies un major des pestes mondiales, une sorte de radioactivité biologique. Caractéristiques générales : Elle fait partie des 8 espèces de fourmis classées Super-envahissantes. Pour faire partie de ce club très fermé il faut posséder les caractéristiques suivantes :
Elle possède, en outre, un venin redoutable qui lui permet, avec les caractéristiques précédentes, d'accéder au top 10 (dix) des pires pestes mondiales. Classification : Synonymes : Hercynia panamana (Enzmann 1947) Ochetomyrmex auropunctata Ochetomyrmex auropunctatum (Forel 1886) Ochetomyrmex auropunctatus Tetramorium auropunctatum (Roger 1863) Wasmannia glabra (Santschi 1931) Xiphomyrmex atomum (Santschi 1914) Morphologie : C'est une toute petite fourmi : - ouvrières : monomorphes, 1.2 mm, brun orangé avec souvent un point doré ou noir au tiers supérieur de l'abdomen (d'ou le nom de l'espèce : auro = or, punctata = à points) . L'abdomen tire parfois sur le brun doré et parfois le brun foncé. - gynes : 4.5 mm, noires mat - mâles : 4.5 mm, noirs mat Anatomie de l'ouvrière :
Critères d'identification post mortem : 1. La taille (+/-1.2 mm) et la couleur brun orangé, uniforme 2. La formule antennaire (11 dont 2 pour la massue) 3. Les deux profondes et longues gouttières antennaires 4. La forme de la tête (sagittale) 5. La longueur des deux épines propodéales 6. Le profil en rectangle presque parfait du pétiole Photos anatomiques (et autres, en anglais) : http://www.padil.gov - Wasmannia auropunctata Habitat : Elle ne fait pas de fourmillère mais des nids, c'est à dire des amas "informes" de reines et d'ouvrières autour des couvains. Vu la taille des individus, ces nids peuvent se loger partout mais, à l'ombre, à l'abri du vent et des grosses inondations (elles aiment l'eau, elles en ont besoin) : Entre l'écorce et le bois d'une branche morte, dans la litière des feuilles, sous les rochers, dans les failles du sol, etc. Elles colonisent aussi les maisons, avec la même préférence pour les endroits sombres et humides : cuisine, salle d'eau, murs, faux-plafond, fondations, etc. Un simple chiffon dans un coin du garage, ou les ondulations d'un carton, leur suffit amplement. Elles colonisent, évidemment, les gaines électriques, interrupteurs, compteurs, répartiteurs et aussi les saignées de la plomberie. Reproduction : Selon des scientifiques de l'ISSG, une reine au mieux de sa forme peut pondre environ 70 oeufs par jour. Ceci leur donne une puissance de reproduction théorique de 100 (reines) * 10 (nids) * 70 oeufs/jour, soit 70.000 fourmis de plus par jour et par mètre cube. En reportant ces données en surface au sol, on obtient : 70.000 * (100*100m) = 700.000.000 nouvelles fourmis par jour et par hectare. En d'autres termes, quand les conditions leurs sont propices, potentiellement, elles sont 0.7 milliard de plus chaque jour, à l'hectare ! Dans des endroits qui leur sont propices elles ont été décrites comme une sorte de moquette vibrante sur le sol. La plupart des reines vivent environ un an. La reproduction est intranidale, il n'y a jamais eu de vol nuptial observé bien que mâles et femelles soient pourvus d'ailes. Une expérience a montré qu'une reine privée d'ouvrières n'en survit pas. Des études récentes ont montré que toutes les reines sont des clones entre elles comme les mâles eutre eux. Voir : Nature : Clonal reproduction by males and females in the little fire ant. Denis Fournier et al. Nature Vol. 435 : 1230-1234 (2005). et CNRS : Guerre des sexes chez une fourmi : reproduction clonale des mâles et des reines Ethologie : Expansion naturelle : L'essaimage se fait donc à pied, par bourgeonnements des colonies. La vitesse de ces bourgeonnements est estimée, en moyenne, à 150m par an, les accidents de terrain ou les perturbations climatiques pouvant profondément modifier ce rythme, dans les deux sens. Structure sociale : Il n'y a pas de hiérarchie sociale, juste la séparation ouvrières-gynes, toute information utile diffuse le plus rapidement possible dans la colonie. Toutes les fourmis coopèrent immédiatement, quelle que soit leur reine. On trouve plusieurs dizaines de reines par nids, parfois plus d'une centaine. Une expérience a montré que le mélange d'ouvrières issues de nids distants de plus de 300 km les rendait indiscernables en quelques secondes. Alimentation : 60 % de leur alimentation vient du miellat des pucerons et cochenilles (aphidiens) qu'elles élèvent à la face inférieure des feuilles (un peu comme nous avec les vaches). Elles préfèrent donc les végétaux imberbes, à feuilles lisses, mais savent s'adapter si ceux-ci sont rares. Elles sont omnivores, carnassières à l'occasion. Leur pouvoir de mobilisation sur toute nouvelle ressource est très grand, très rapide : Plusieurs centaines d'ouvrières sont mobilisés sur une ressource nouvelle en moins d'une heure et en limite de colonie. Compétition intraspécifique : Aucune : Elles coopèrent immédiatement, d'où qu'elles viennent, du nid voisin comme de celui à 300 km de là. (testé à Nouméa par Jourdan). Je ne sais pas ce que ça pourrait donner entre des individus de différents continents colonisés depuis longtemps (p.ex. des gabonnaises avec des néo-calédonniennes ou des américaines). Compétition interspécifique : Leur agressivité est exceptionnelle, leur venin étant aussi d'une force exceptionnelle, elles font le vide biologique dans les zones qu'elles colonisent. Elles exterminent préférentiellement toutes les autres espèces de fourmis, puis les hyménoptères (abeilles), les termites (Isoptères, dont les réseaux profonds sont ensuite recyclés en bases arrières), puis tout le reste sauf s'il peut leur être utile (aphidiens) ou sans impact, sans intérêt alimentaire (petits coléoptères, collemboles, petite faune hypogée). Il semble qu'une certaine cohabitation soit tolérée avec Solenopsis invicta, la grande fourmi de feu (GFF). Il a été observé, en avant de leur front de colonisation, une augmentation de la densité des autres fourmis, puis une zone de silence où toutes les fourmis sont rares, puis la colonie monospécifique elle-même. Il est probable que cette augmentation de la densité des autres fourmis, en amont du front de colonisation, soit dû à une tentative de fuite de leur part. Diapause : Elles n'en connaissent aucune mais chaque année, juste avant la saison des pluies, la saison chaude, les reines font un couvain majoritairement constitué d'oeufs sexués. Une fois celui-ci bien constitué les ouvrières tuent toutes les vieilles reines. Le début de la saison des pluies, la période d'abondance, commence donc avec de jeunes reines dans toutes les colonies. Essaimages accidentels : En cas d'inondation prononcée, les fourmis s'aggripent entre elles et forment des amas se répartissant en trainées compactes à la surface de l'eau, un peu comme des poussières emportées par les flots. Les reines se déplacent sur ces radeaux d'ouvrières. Lorsque le radeau accoste, la colonisation reprend. Les tempêtes et cyclones sont aussi des facteurs non négligeables de dispersion ; Une petite branche de bois mort peut être transportée par le vent sur des centaines de mètres. A Marchena Island (Galapagos), autrefois contaminée, il avait été constaté une avancée de la contamination sur plus de 500m en quelques petits mois après le passage d'une tempète. Son explosion mondiale est due à l'homme : Il est évident que la dissémination par l'homme est extrêmement facile et pratiquement invisible lorsqu'on n'est pas averti et très attentif. Répartition mondiale détaillée et autres : voir : Fenua Animalia - La Petite Fourmi de Feu voir aussi : Je ne vais pas donner de bibliographie sinon ça va être plus long que tout ce qui précède, vu que je suis dessus à 150% depuis 2004 et pas tout seul ...
mise à jour au 10/05/2008. --------------- Des remarques ? Des questions ? -------------------- C'est fou de préserver la biodiversité en étant obligé de balancer des saloperies chimiques dans la nature !
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Sunday 06 April 2008 à 20:01
Message
#2
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Cocon Groupe: Membres Messages: 234 Inscrit: 02/12/2006 Lieu : Raleigh, NC, USA Membre No.: 810 |
Super resume.
Pour ceux qui souhaiteraient en savoir encore davantage et qui ne sont pas effraye par l'anglais, il y a cet article de James Wetterer et Sandra Porter: The Little Fire Ant, Wasmannia auropunctata: Distribution, Impact and Control http://www.ars.usda.gov/sp2UserFiles/Place...003(M-3778).pdf De meme, puisque tu soulignais l'idee de faire des fiches sur les autres super-envahissantes. Il en existe une sur Pheidole megacephala egalement par James Wetterer. Celui-ci est plus concentre sur les iles du Pacfique. Malheureusement, je ne crois pas que l'acces soit libre. SI quelqu'un est vraiment interesse pour l'avoir, contactez moi par MP. Personnellement, j'ai un petit probleme avec la definition, ou du moins dans la facon dont il faut l'interpreter, du terme super-envahissantes (tout comme celle de super-predateur) ou de tramp species (espece vagabonde). Il ne s'agit pas d'une liste de caracteristiques qu'une espece doit obligatoirement rencontre pour devenir envahissante et poser probleme. Ne le comprenez surtout pas de cette maniere, car ce serait faux. Ces criteres ont ete effectues a partir de donnes ecologiques observes sur l'ensemble des especes a problemes (du moins celles qui sont les plus problematiques) et qui ont ete compiles afin d'identifier un profil d'espece susceptible d'etre plus problematique que d'autres. Cela ne signifie pas que si une espece ne presente pas une ou plusieurs de ces caracteristiques, on n'est alors assure que rien ne se passera. Eric, je ne suis pas certain des especes que tu classes comme super-envahissantes, mais j'imagine que tu dois parler des especes suivantes (tu me corrigeras si je me trompe) Linepithema humile Paratrechina longicornis Anaplolepis gracilipes Pheidole megacephala Solenopsis invicta Solenopsis geminata Wasmannia auropunctata Pour la 8eme, je ne sais pas, Monomorium pharaonis ou floricola? De plus les criteres de super envahissantes ne reprennent quasiment que des criteres propres a la biologie de l'espece mais relativement peu a ses impacts par rapport aux autres especes ou a sa propagation dans l'ecosysteme et aux problemes que celle-ci cree. Bref, cette notion est a nuancer selon moi. Ceci dit, l'idee de prendre ces especes comme point de depart pour des fiches me semble tres bonne. Pour repondre a la question d'Olipi, les raisons sont multipes et probablement differentes en fonctions des zones ou ecosystemes envahis. De maniere generale, les raisons que tu invoques; relache de la predation, de la competition, des pathogenes, ... sont tres souvent invoquees. Par exemple, dans une etude de Julien Lebreton et collaborateurs qui etait sorti y a quelques annes et qui comparait la decouverte et le recrutement sur des appats par Wasmannia auropunctata dans sa zone d'origine (Costa Rica) et une zone d'introduction (Nouvelle Caledonie), les auteurs demontraient que les especes de Pheidole de la zone d'origine decouvraient les appats plus rapidement et que lorsque les premieres eclaireuses de Wasmannia montraient le bout de leur nez, des ouvrieres majors de Pheidole les attendaient pour une decapitation en ordre. Ceci empechait donc le recrutement et donc l'appropriation des ressources par Wasmannia. En Nouvelle Caledonie bien que l'on observait egalement une decouverte plus rapide par Pheidole, ces denieres ne montraient pas d'agressivite specifique envers Wasmannia qui pouvait ensuite recruter a loisir (et Eric vous dira a quel point elles peuvent etre efficace), attaque les Pheidole et monopoliser la ressource. Ensuite, vous comprenez, plus j'ai de ressources, plus je me developpe, plus je m'etend, plus j'ai de ressources,... Dans le cas du Costa Rica, une veritable coevolution entre especes a eu lieu, ce qui a permis le maintien de populations a effectif "raisonnable", cas qui n'est pas present evidemment en Nouvelle Caledonie, Tahiti, ou autres zones d'introduction. Ceci dit, on ne peut pas toujours expliquer le succes d'une invasive par sa plus forte competitivite ou agressivite. Il y a des cas, ou ne l'observe pas, mais ou on se rend compte que l'espece invasive est capable d'expoiter une niche ecologique laissee vacante ou pas assez bien exploitee par les especes natives. Les processus sont tres complexes, tres souvent plusieurs facteurs rentrent en jeu et peuvent rentrer en synergie. De plus, il existe comme je le disais, il existe des variations entre les especes mais egalement au sein d'une meme espece en fonction des regions. C'est pour cette raison que mieux vaut prevenir que guerir! -------------------- |
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