[News/Ethologie] - Des chasseurs-cueilleurs de champignons chez les fourmis !, 2008- Euprenolepis procera, Malaisie Options

[Hydraméthylnon]

Un nouveau mode de vie découvert chez les fourmis, celui de chasseur-cueilleur

RAMENER DU CHAMPIGNON
La première espèce décrite comme spécialisée sur la cueillette de champignons ramènent à la maison leurs (relativement) grosses trouvailles, morceau par morceau. L'espèce Euprenolepis procera, vivant dans la forêt humide de Malaisie, emporte les trois-quarts d'un champignon en 4 heures.

Pas de fourmilières. Juste un endroit où camper un moment et en route vers d'autres champignons.

Les colonies d'Euprenolepis procera ont un style de vie nouveau pour la myrmécologie, selon Volker Witte de la Ludwig-Maximilians University de Munich. Ces fourmis font du nomadisme nocturne dans les forêts humides de Malaisie, chassant et récoltant des champignons.

Un tel régime alimentaire rend la vie complexe, difficile mais ces fourmis semblent s'être adaptées au problème montrent les Dr Witte et Ulrich Maschwitz de l'université Johann-Wolfgang-Goethe à Francfort dans un numéro à parraître du journal Naturwissenschaften.

C'est une découverte sensationnelle pour Bert Hölldobler de l'Université de l'Arizona.

Le nomadisme de cette espèce est différent — dans le sens d'opposé à — de la façon de procéder des champignonnistes du groupe Atta. Les fourmis cultivatrices ont inventé l'agriculture des millions d'années avant l'homme et les plus de 200 espèces connues construisent des structures permanentes où elles vivent et mangent des masses spongieuses de filaments entremêlés.

Ces masses sont des tissus non-reproducteurs, le mycélium à l'origine de la plupart des champignons et restant typiquement invisible dans le sol, un bout de bois, une tranche de pain pourrissante. Une ferme de ce type cultive une seule sorte de champignon, souvent une de celles poussant par petits bouts qui font ces casse-croutes à fourmis.

Ces populations de fourmis malaises ne sont pas agricultrices mais chasseur-cueilleurs. Elles n'ont pas d'espèce de champignon préférée et elles ne s'embêtent pas avec des cultures. À la place, elles visent les structures reproductrices des champignons, les carpophores, ces petits parapluies mous qui surgissent du sol après les pluies pour disperser leurs spores.

TRIOMPHE
Les fourmis spécialisées dans la récolte de champignons se ruent pour dépecer et emporter un morceau de champignon déposé par les chercheurs. Les fourmis ont une préférence large mais limitée, se jetant sur des morceaux de 30 espèces de champignons mais en ignorant 50 autres. Witte

Ces moissonneuses juste découvertes ne sont pas parentes avec les champignonnistes qu'on connaît classiquement. Il est très probable que les ancètres des Atta aient été des moissonneuses de champignons avant d'en devenir cultivatrices, selon Hölldobler.

Pour Ted Schultz de la Smithsonian Institution de Washington, D.C., une des choses les plus intéressantes apportées par cet article est qu'il donne des indices sur ce qu'a pu être l'évolution des premières champignonistes.

Pour Witte, les fourmis se sont diversifiées en sociétés structurées d' ouvrières aux spécialités complexes : Esclavagistes, protection rapprochée de plantes, armées de pillards nettoyeuses, éleveuses de troupeaux d'insectes parasites, et on n'a pas encore tout découvert.

Avant que Witte commence l'étude des E. procera en 2006, les biologistes ne connaissaient pratiquement rien de la biologie de ces fourmis. Pour voir si les fourmis avaient un intérêt spécial pour les champignons, Witte a fait un test simple, éparpillant des dizaines de morceaux de champignons achetés dans le commerce. En 4 heures, ces fourmis ont trouvé et ont afflué sur plus de 44% de ces aubaines. Petits bouts par petits bouts, les fourmis ont dépecé et emporté à peu près les trois-quarts d'un champignon complet en 4 heures. Le champignon a complètement disparu en 24 heures.

Pour tester les préférences des fourmis, Witte a utilisé quelques 80 sortes de champignons prises autour dans la forêt et les as posés au milieu de colonnes en déplacement. Les fourmis on ignoré de nombreuses offrandes mais se sont jetées sur environ 30 espèces pour les ramener au nid, leurs repas sont d'évidence plus aléatoires que ceux des vraies champignonnistes.

Pour trouver leurs nids, Witte a remonté les colonnes de fourmis en chasse. Elles ne creusent pas de nids. Des colonies aussi nombreuse que 20.000 membres s'abritaient dans des recoins entre les racines des arbres ou dans des trous de la litière des feuilles. Les colonies changent d'endroit en quelques jours, emportant tout avec elles, oeufs et larves.

Les chercheurs ont emporté certaines colonies (les plus petites) dans leur laboratoire et ont observé qu'elles empilent leurs miettes de champignons en petits tas dans leur refuge. Ensuite elles traitent leur butin, tournant autour pour mâcher et régurgiter ce qui, au final, nourrit la colonie.

Les tas de pulpe noire et molle ainsi traités ont une odeur douce-amère, explique Witte, je n'en mangreai pas mais ça ne sent pas mauvais. Il semble que quelque chose dans ce processus prolonge la vie du champignon.

Au labo, les chercheurs ont observé que ces fourmis ont mangé un criquet mort, si l'occasion leur en est offerte. Ceci doit se produire parfois dans la nature, rarement, selon Witte. Il n'a pas constaté de baisse particulière dans la colonie. Nourries uniquement de champignons pendant des mois, elles s'en portent très bien.

La vie dans une forêt humide tropicale offre aux fourmis les meilleures chances de trouver leur subsistance dans cet environnement moite tout au long de l'année. Côté saisons, explique Witte, tout réside entre de la pluie et énormément de pluie.

Les forêts humides grouillent de fourmis, la compétition est donc rude sur la nourriture. Les mangeuses de champignons sont rares, ce qui leur permet d'accéder à un panier-repas de plus.

Manger des champignons permet aux fourmis de jouer un rôle dans la dynamique des forêts, explique Witte. Déplacer des morceaux de carpophores contribue à bien disperser les spores et peut influer sur la répartition des plantes ayant besoin d'un champignon pour se développer.

Pour Cameron Currie de l'Université de Wisconsin–Madison, on devrait étudier plus les mangeuses de champignons Cet article lui a fait se souvenir de fourmis qu'il a vu se précipiter sur des champignons mais il n'a pas eu le temps d'approfondir. Il est très probable qu'il y ait d'autres nomades à champignons.

Source : ScienceNews - 25-07-2008 - Nomadic Ants hunts muschrooms

[bidou]

Merci hydra super intéressant ce sujet sur cette espèce nomade et à la fois champignonniste.
Encore un nouveau truc passionnant appris aujourd'hui

Donc si j'ai bien compris elles mâchouillent le champignon sans s'en servir de support, l'ingestion est direct. Composé de quoi un tel champignon?

[cékiki]

merci !
Le fait que ce nomadisme soit nocturne s'explique t-il par la compétition ... Étonnant et superbe compte rendu.

[Hydraméthylnon]

Je n'ai fait que traduire presque littéralement la source, c'est tout.

L'ingestion est "presque" directe : Elles le pré-digèrent d'abord ce qui lui donne cet aspect noirâtre, oxydé je suppose. Il y a au moins une trentaine de champignons identifiés. Leur composition, les points communs dedans, il faudra une autre étude pour avoir un début de piste.
Le reste, le pourquoi la nuit, je n'en sais strictement rien : Les forêts humides de Malaisie forment un biome très complexe où je n'ai jamais mis les pieds. Il peut y avoir des milliers de raisons.
Le truc curieux et très intriguant, c'est leur aspect d'ancêtre d'Atta. Un peu comme un coelacanthe éthologique, façon fourmi.
Le truc toujours aussi énervant pour moi, c'est cette façon qu'ont les ricains de chercher à masquer-s'approprier l'intérêt d'une découverte non-'ricaine en parsemant leurs CRs de remarques de scientifiques US qui n'ont rien à voir dans le film, même si ce sont des gens de valeur, comme si ça leur filait des boutons qu'un allemand ait l'outrecuidance de faire une grande découverte sans eux ...

Le papier est récent : Le 25 juillet, c'est la semaine dernière. L'article "officiel" n'est pas encore paru. Il y a de fortes chances qu'il le soit en allemand. Là, il faudra quelqu'un d'autre pour le "voltairiser" parce que Goethe et moi, ça fait deux.

[Liquido]

GE-NIAL

Merci pour ce sujet super intéressant !!

[Amblyopone palli...]

Article original disponible en anglais dans la revue Naturwissenschaften (et libre d'acces j'ai l'impression):
http://www.springerlink.com/content/8tmgt8...86/fulltext.pdf

[Diacamma]

Effectivement c'est très intéressant. Je n'avais pas vu l'article passé et pour cause, il est très récent puisque encore "online first".
Merci pour l'info Hydra! Et, sois rassuré, il est en anglais, ça fait très longtemps que cette revue a arrêté de publier des articles dans la langue de Goethe

[k2rantitache]

Merci pour ce sujet super intéressant !!

+1

[Hydraméthylnon]

Merci pour le lien Ambly!

sois rassuré, il est en anglais, ça fait très longtemps que cette revue a arrêté de publier des articles dans la langue de Goethe

Danke für die Information! Das ist eine gute Nachricht.

Ça a l'air en accès libre, effectivement, mais, là, il y en a 5 pages et c'est du technique. Je n'aurai jamais le temps de traduire tout ça correctement. Les photos qu'il contient sont superbement parlantes (ça me rappelle que j'ai un sujet sur les tests d'appétence sur le feu et qui présente lui aussi des photos de progression temporelle). Rien que pour ça, ça vaut le coup d'y jeter un oeil.