Hydraméthylnon
Tuesday 25 August 2009 à 11:53
Joli parcours Kinette, pas si atypique que ça.
Moi, je partais sur l'éthologie des loups et je me suis retrouvé sur la biogéographie et génétique des populations des escargots endémiques de Polynésie après quelques pirouettes en géologie, microbiologie, statistique, génétique... J'ai ensuite basculé sur la protection des espèces menacées quand tout ça a commencé à s'éteindre en masse, pour finir dans la lutte contre les envahissantes puisque c'est à cause d'elles que ces extinctions ont eu lieu et ont encore lieu ...
NB: C'est bénévole : Je suis payé pour réparer des ordis, ça veut tout dire.
J'ai connu un thésard en botanique qui a fini sur les lépidoptères avant d'ouvrir un magasin de vélos, un autre qui faisait des petits CDD dans un labo d'ornithologie et toujours sans titularisation en vue au bout de 10 ans, un autre copain qui a 10 ans de recherche en génétique et biogéographie et qui n'est toujours pas titularisé. Il a basculé, comme moi, dans la biologie de la conservation (des espèces), lui sur des financements d'organismes privés ou semi-privés (Zoos et musées) : Il n'y a pas de place pour tout le monde même pour les plus pointus, les plus rares, surtout en recherche fondamentale. Il faut bien comprendre que les hauts scientifiques (au sens "pointus", "spécialisés") se répartissent entre deux grandes branches aux financements très différents : La recherche fondamentale et la recherche appliquée.
Comme la recherche appliquée tente de répondre à des cas précis et souvent critiques, par exemple pour tenter de sauver un secteur économique genre les super-invasives (animales comme végétales), les sous sont plus abondants, disons moins rares, qu'en recherche fondamentale bien que le niveau de compétence requis soit le même.
Il faut dire aussi que la frontière entre les deux est assez ténue : Toute action de recherche appliquée, normalement, est précédée par un état des lieux, un inventaire préliminaire, et suivie par un bilan, un inventaire de résultats. En fondamental aussi, forcément, mais les résultats "appliqués" sont toujours plus abondants que chez les autres, sont un pain béni pour la recherche fondamentale qui n'a pas les moyens de se payer de tels inventaires mais à condition de ne pas rater le coche : Combien d'échantillons ramassés dans un but très précis, très appliqué, partent directement à la poubelle parce qu'aucun labo de recherche fondamentale ou musée ne s'organise ($$) pour les récupérer à ses propres fins ? Des tonnes ...
Bien sûr, les résultats "appliqués" sont hyper-ciblés et ne peuvent prétendre à l'exhaustivité, à être complets, mais qui peut y prétendre sur autant d'hectares ? Ils sont fiables pour ce qu'ils sont, charge alors au fondamental de procéder à des sondages complémentaires (du point de vue méthodologique) pour tenter d'embrasser cet exhaustif qu'il atteint extrêmement rarement de toute façon. De plus, le fondamental n'est pas la science de l'exhaustivité mais celle de la recherche de l'inconnu et, l'inconnu, c'est pas ça qui manque !
L'appliqué est aussi une recherche de l'inconnu mais qui se donne un objectif bien plus pointu, bien plus difficile que le fondamental : Obtenir le plus rapidement possible un changement significatif de la cible en limitant au maximum, normalement, les effets de bord, les "dégâts collatéraux". Les inconnus à maîtriser sont bien plus nombreux et bien plus critiques, en plus du contrôle de la connerie humaine qui pointe obligatoirement son nez dès qu'il y a du fric à faire ou/et des occasions en or de se faire mousser personnellement : Le fondamental attire plus ces derniers, les carriéristes aux "beaux CVs", forcément puisque "pas de budget" mais l'appliqué a bien droit aux deux types de parasites sociaux, les carriéristes et les requins de la finance (...)
Je suis, pour ma part, un "fondamental" qui finit de basculer dans "l'appliqué" par nécessité et évidence (cf.
La 2e vague). Je suis loin d'être le seul, de plus en plus de monde bascule ainsi : La biosphère se désintègre partout sous les coups de l'homme, de plus en plus vite et de plus en plus en profondeur. Les scientifiques ne peuvent pas ne pas le constater, garder la tête dans le sable : C'est partout.
Donc, comment devenir myrmécologiste (c'est valable pour n'importe quelle autre spécialité) est une question de hasard, de pif, de clairvoyance, de résistance à la frustration, d'éthique et, surtout, de grande volonté : Il n'existe aucun parcours en ligne droite une fois passée la licence de bio, ou alors c'est très suspect. Il faut savoir s'adapter, enchaîner les 180° "fingers in the noze" mais sans perdre son cap. Les opportunités sont tellement rares que personne ne peut prédire son parcours réel, juste la direction d'ensemble, et encore, si la chance est là : botaniste +7 vendeur de vélos, thésard tropicaliste au Groenland, traversées de déserts sur plusieurs années, ...
Chance, grande obstination, grande attention, plus trois sous d'intelligence pragmatique et une bonne tonne d'anglais.
Accroche-toi, Jeannot : Si tu sais où
tu veux arriver en gros, ça va bien tabasser mais ça passe !