Eloge de Messor bouvieri l’orientale
Cette Messor délaissée des passionnés est pourtant abondamment citée dans le nouveau livre du toulousain Passera, et même en photo. (Tantôt « bouvieri », tantôt « sanctus » dans le bouquin, alors que c’est sensé être la même sp, non ? )
Plus petite que capitatus et barbarus, elle reste une assez grosse fourmi. C’est la plus noire des Messor de France, ce qui la rend agréable à observer sur BC ou sur sable dans l’aire de chasse, lieux où elle est sans cesse active. Plus tassée, plus compacte, bien brillante, c’est un plaisir des yeux. Le côté esthétique de cette Messor est encore renforçé par la splendeur des sites qu’elle habite : strictement méditerranéenne, c’est bien la seule Messor des garrigues perdues où elle déroule ses incessantes files de récolte au milieu des rochers de schistes dorés ou argentés, parsemés de massifs de thym, de romarin ou de lavande. Sur ces biotopes finalement pauvres en graminées, au sol durs et secs, elle ramasse beaucoup de petites graines qu’il faudrait être botaniste pour identifier. Cette austérité la rend increvable, et c’est avec la même infatiguable énergie qu’elle a colonisé les landes sableuses littorales encore plus pauvres en nourriture et où les gynes n’atteignent même pas les 9 mm. C’est pourtant là que j’ai vu les plus spectaculaires colonnes de récolteuses de Messor : cordons noirs d’ouvrières, larges de 10 cm, serpentant sur des mètres et des mètres...
Fourmi à la fois rude et poétique, elle se rencontre aussi dans les îles de la Méditerranée et au Moyen-Orient d’après Bernard. C’est donc peut-être bien d’elle que parle Salomon dans la Bible.
Elle paraît essaimer la dernière, parmi les Messor. La « dernière » mériterait pourtant bien d’être une « première » parmi les éleveurs de fourmis !